Alimentation

Êtes-vous un mangeur épicurien ?

Manger n’a pas à être un plaisir coupable, suivi d’une privation. « Dans les publicités, on nous présente le plaisir viscéral : manger de grandes portions, se gaver, observe Karine Gravel, nutritionniste et docteure en nutrition. Mais le plaisir alimentaire, ce n’est pas lié à la quantité de nourriture. Des études montrent que lorsqu’on mange un aliment dont la valeur hédonique est élevée – un aliment qu’on aime –, on mange moins. Parce qu’on est satisfaits. »

Afin de mieux manger, Mme Gravel propose de revenir aux plaisirs de la table. Êtes-vous un mangeur épicurien ? Pour le savoir, elle suggère de faire un test en ligne, conçu par Pierre Chandon, professeur de marketing à l’Institut européen d’administration des affaires, et Yann Cornil, professeur adjoint de marketing à l’Université de Colombie-Britannique.

Les résultats des deux chercheurs sont intéressants : nul besoin d’être fortuné pour savourer. Les épicuriens – qui ont une plus faible préférence pour les grandes portions – sont répartis également selon le revenu, le niveau d’éducation, l’âge et l’indice de masse corporelle. Seule différence notable : plus de femmes que d’hommes font partie de ce groupe, qui valorise les valeurs sensorielles et symboliques de la nourriture.

POURQUOI MANGE-T-ON TROP AU BUFFET ?

« L’alimentation, ce n’est pas seulement des chiffres et des valeurs nutritives », dit Mme Gravel, qui a lancé ce message à ses collègues lors d’une conférence donnée au congrès de l’Ordre professionnel des diététistes du Québec, le 23 septembre. « Il faut la percevoir de façon plus globale, en tenant compte de la personne et de son environnement. »

Malheureusement, 40 % des Québécoises se sentent bombardées d’informations contradictoires sur l’alimentation, selon un sondage Ipsos Reid de 2008. Résultat : confusion, anxiété, scepticisme et culpabilité s’invitent à trop de repas.

La peur de trop manger, comme devant un buffet, est commune.

« Dans les études, les gens vont manger davantage lors de buffets, notamment parce qu’il y a beaucoup de variété. »

— Karine Gravel, nutritionniste

« Les caractéristiques sensorielles des aliments sont différentes, si bien qu’on veut goûter à tout. Si on mange seulement un même plat, on finit par se fatiguer. Une étude a fait manger une recette de macaroni une fois par jour, durant cinq jours, à un groupe de personnes. Un autre groupe en mangeait une fois par semaine, durant cinq semaines. Évidemment, le premier groupe s’est tanné et en a moins mangé. Mais ce n’est pas réaliste de conseiller aux gens de manger de façon monotone. »

MISER SUR LA GOURMANDISE

Pour moins manger, la nutritionniste recommande de miser plutôt sur la… gourmandise. La définition de « gourmand » ? « Qui trouve du plaisir à manger », selon le dictionnaire Antidote.

« Les clients qui me disent qu’ils sont gourmands, je trouve ça très positif, souligne Mme Gravel. Souvent, ce sont des personnes qui aiment planifier des recettes, choisir de bons ingrédients, cuisiner. C’est merveilleux ! Je leur demande : "Qu’est-ce qui vous fait vraiment plaisir ? Qu’aimez-vous manger ?" Ensuite, il suffit de travailler à écouter ses signaux, pour manger des portions adéquates. Les gens en viennent à manger de façon plus consciente et à se rendre compte que, parfois, ils mangent quand ils n’ont pas faim ou ils mangent trop. Il faut chercher les raisons qui font qu’ils ne respectent pas leurs besoins, plutôt que d’aller vers la privation. »

Plus facile à dire qu’à faire. « C’est sûr que ça demande beaucoup de réflexion, mais après un certain temps, ça se fait de façon plus naturelle, assure la nutritionniste. Je dis parfois à mes clients : "Il pourrait y avoir 10 experts de l’obésité et des signaux de faim et de satiété à côté de vous, mais ils ne sauraient pas les identifier mieux que vous." C’est vous, l’expert de votre corps. C’est important que vous l’écoutiez. »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.