Sans calories, sans gras, sans sucre, sans gluten… et avec le même bon goût! À quand les aliments invisibles que l’on fera semblant de manger? J’exagère à peine.
Auparavant, l’humain devait s’assurer d’avoir suffisamment de nourriture, alors qu’il souhaite maintenant se priver de plusieurs nutriments. Des aliments et boissons de consommation courante comme le pain, le jus et le lait sont soudainement devenus des poisons.
Pour ce billet, je discute des aliments « sans » en quatre points, au risque de pelleter quelques nuages au passage.
Plusieurs consommateurs se sentent bombardés d’informations nutritionnelles pouvant entrainer de la confusion. C’est légitime puisque le nombre de produits alimentaires est infini, alors que les discours médicaux et publicitaires sont contradictoires sur ce qu’il faut manger ou non. Cette cacophonie nutritionnelle est difficile à supporter car elle ébranle notre culture alimentaire. Le fait de décider de se priver de certains nutriments peut nous laisser croire qu’on y échappe.
Le choix de retirer des nutriments de son assiette peut donner l’impression d’avoir le contrôle. Je fais un parallèle avec les diètes amaigrissantes : au début d’une diète et avant même que la perte de poids ne soit amorcée, le sentiment de contrôler son alimentation et son poids corporel a un effet positif sur l’estime de soi. Cette conséquence suggère que le fait de contrôler le contenu de son assiette donne aussi cette sensation de pouvoir sur son corps, sa santé et même sur sa vie.
Quand un aliment est sans calories, sans gras, sans sucre et sans gluten, j’avoue que j’ai des doutes sur ses qualités sensorielles.
La lipophobie – phobie du gras – est bien perceptible par la tendance de notre société à idéaliser la minceur et à juger sévèrement l’obésité. Ce qui fait plaisir devient suspect et c’est aussi applicable au sucre. La saccharophobie – phobie du sucre – est très intéressante d’un point de vue sociologique. Alors que le sucre est bon au goût et apporte du plaisir, on en parle sur un ton moralisateur qui inspire la méfiance et la peur. C’est tellement contradictoire!
Quand un aliment est sans calories, sans gras, sans sucre et sans gluten, j’avoue que j’ai des doutes sur ses qualités sensorielles. Le goût et la texture sont prioritaires pour ressentir du plaisir à manger. Or, la satisfaction et le plaisir favorisent des comportements alimentaires sains. J’en ai discuté dans mon billet Le plaisir de manger et la prise alimentaire. Quand c’est bon et que l’on se sent satisfait, on a tendance à manger selon ses besoins et sans privation.
Pour terminer avec le sourire et peut-être même le rire, voici un article du journal satirique Le Gorafi sur un gâteau-minceur plutôt étrange : Sans gluten, sans sucre, sans huile et sans lactose, le gâteau-minceur était en fait un bout de carton.
Évidemment, il est essentiel de retirer des nutriments de son alimentation lorsque des allergies et des intolérances sont diagnostiquées par un médecin. C’est normal et ce n’est pas le sujet de mon billet.
Fischler C. Manger magique : aliments sorciers, croyances comestibles. Paris; 1994.
Fischler C. La peur est dans l’assiette. Revue française du Marketing. 2001;183/184:7-10.
Polivy J et coll. Distress and eating : why do dieters overeat? Int J Eat Disord. 1999;26(2):153-164.
Schlienger JL et coll. Histoire du goût sucré : entre morale et plaisir. Médecine des maladies métaboliques. 2014;8:346-51.