Quelle est la première idée qui vous vient à l’esprit à l’évocation du mot « gluten »?
De 2008 à 2012, le marché canadien des aliments sans gluten a explosé. C’est près d’un tiers des Canadiens qui recherchent des aliments sans gluten. Pourtant, on estime que 1 % des Canadiens et des Américains (1/133) sont atteints de la maladie coeliaque et doivent éliminer le gluten.
Pour ce billet, je vous propose une autopsie du gluten en cinq points.
Le gluten désigne certaines protéines présentes dans le blé (incluant l’épeautre et le kamut), l’orge, le seigle, le triticale (un hybride du blé et du seigle) et l’avoine régulière. On retrouve le gluten dans tous les aliments renfermant ces céréales, incluant notamment la bière, les pâtes alimentaires et les assaisonnements. Le gluten possède l’avantage de donner du volume et de l’élasticité aux produits de boulangerie. Il n’est pas toxique sauf pour les personnes allergiques.
La maladie coeliaque est héréditaire et déclenche une réaction immunitaire lorsque la personne allergique consomme du gluten. L’état inflammatoire endommage la paroi de l’intestin grêle et réduit l’absorption de certains minéraux et vitamines. Le diagnostic médical se fait à partir de tests sérologiques (notamment le dosage des IgA) et histologiques (biopsie intestinale). Le seul traitement consiste à éliminer le gluten pour toujours puisque la maladie est permanente.
On parle aussi d’hypersensibilité au gluten pour décrire un ensemble de symptômes gastro-intestinaux semblables à ceux qui peuvent être retrouvés dans la maladie coeliaque, mais sans réaction immunitaire. Actuellement, il n’existe aucun critère pour établir un diagnostic médical de sensibilité au gluten, on peut seulement éliminer le diagnostic de maladie coeliaque. On estime que 6 % des Canadiens consomment des aliments sans gluten en raison de la sensibilité au gluten.
L’alimentation sans gluten n’est pas plus saine que l’alimentation basée sur les recommandations nutritionnelles de Santé Canada.
Non. D’après l’Ordre professionnel des diététistes du Québec et la Direction générale du Collège des médecins du Québec, l’alimentation sans gluten n’est pas plus saine que l’alimentation basée sur les recommandations nutritionnelles de Santé Canada. Même chose pour l’étude de Wu et coll. où la valeur nutritive de 3213 aliments avec ou sans gluten a été comparée. L’alimentation sans gluten est peu susceptible de conférer des avantages pour la santé, sauf en présence d’un diagnostic de maladie coeliaque.
En l’absence de maladie coeliaque, plusieurs raisons peuvent motiver le retrait du gluten de son alimentation. J’en ai discuté dans mon billet Les aliments « sans ». Au Canada, 22 % des consommateurs choisissent des aliments sans gluten pour des raisons non médicales, notamment parce qu’ils les perçoivent comme un choix santé. Auprès des Américains, 25 % pensent que les aliments sans gluten les aideront à perdre du poids et 10 % croient que c’est un régime purifiant.
La croissance des aliments sans gluten demeurera importante au cours des prochaines années malgré un certain ralentissement. L’alimentation sans gluten est un traitement nutritionnel qui est déconseillé sans indication médicale.
Comment éviter de banaliser la maladie coeliaque, faciliter la nouvelle réalité des restaurateurs et ne pas sombrer dans l’hypocondrie?
Agriculture et Agroalimentaire Canada. Les allégations « sans gluten » sur le marché. 2015.
Fondation québécoise de la maladie coeliaque.
Ordre professionnel des diététistes du Québec, Direction générale du Collège des médecins du Québec et coll. Le régime sans gluten : une mise en garde s’impose. Le Collège. 2013;53(3).
Wu J.H.Y. et coll. Are gluten-free foods healthier than non-gluten-free foods? An evaluation of supermarket products in Australia. Br J Nutr. 2015;114(3):448-54.